Démarche artistique 2023

De la Forme au Mouvement

Je me questionne sur la relation que nous avons à la Matière qui nous entoure, sur sa vie, son histoire, son vécu. J’aime l’imaginer se jouant de notre rapport à la vie et à l’image, créant et nous montrant des formes plus incarnées que ce que nous pensons être vivant.

La Forme est au cœur de ma démarche.

Je travaille avec des matières et des techniques qui ont une part d’expression propre, ne me permettant pas de maîtriser complètement le résultat, laissant une part importante à la déformation, l'expression du temps et des éléments.

J’utilise le cyanotype (invention de Sir John Herschel en 1842) comme moyen de capturer le paysage autour de moi. Cette collection d'empreintes, d'ombres, offerte par le soleil, me permet de figer ces éléments, marqueurs de mon temps. Cette technique dite alternative à la photographie me permet également de figer aussi mes représentations imaginaires de mon entourage et de les associer aux réels.

Je travaille également la matière terre, avec laquelle je peux ressentir un rapport direct et fort avec l’Humain, sa propre matière. L’argile peut-être plus que les autres est une matière à mémoire, elle garde en elle tous chocs, déformations, traces, coups.

Je commence par un inventaire de Formes que la matière m’offre dans tous ses états. Entre formes, morceaux, poussières, puis nouvelles Formes. C’est la captation de sa présence.

Puis j’imagine ce que cette image incarnée de la matière peut m’amener à créer de nouveau. D’une matière figée, j’essaye de créer du Mouvement.

Chaque forme/élément a sa propre expression et sa propre vie.

Le clonage, qu’il soit à la base de moules pour la céramique ou manipulations génétiques pour le végétal, permettant d’une façon rassurante d’avoir toujours la même forme, la même couleur, les mêmes caractéristiques que tous les humains pourront avoir près d’eux n’est pas imaginable dans cette démarche.

La société tend vers un monde virtuel, inhabitable : celui des images. Le contact avec la nature qui nous entoure se perd de plus en plus, il devient artificiel (comme nos photos, nos moments vécus et par extension nos souvenirs).

Et si nos souvenirs sont artificiels ? que reste-il de notre vie ?

La nature vierge, primitive, les herbes folles, le terre ne serait-elle pas une utopie ? un fantasme : dès lors que la nature apparait aux yeux de l’homme, elle devient culturelle, artificielle, agencée. Elle perd alors sa singularité, et nous perdons la nôtre, peut-être simplement celle de rester en lien avec elle.

Philippe Ringot, 2022.